dimanche 26 décembre 2010

Il suffit d'un rien

La généalogie ne tient parfois qu'à un fil. Bah ouais, le destin fait bien les choses: il unit (avec plus ou moins d'amour) deux êtres de sexe opposés, qui passeront le restant de leurs vies à élever la progéniture qu'ils auront conçue. Mais parfois, il arrive que le destin se montre facétieux: il supprime l'un des deux époux avant que ceux-ci ait pu élever leur famille. C'est ainsi que de temps en temps, on se retrouve avec des orphelins en bas-âge, ou même pire, des couples qui disparaisse sans laisser d'enfants. Dans ce cas, dur d'établir une généalogie! Parfois même, il arrive que le jeune père ait juste eu le temps de procréer, et de mourir. C'est là que la généalogie ne tient qu'à un fil: sans cette nuit d'amour, il n'y aurait pas eu de bébé, donc pas de descendance.



J'avais déjà raconté il y a quelques mois la vie de mon ancêtre ayant vécu le plus longtemps (cf. Le Doyen). De son côté, pas de soucis: il avait eu tout le temps d'assurer sa descendance. Mais voici l'histoire de mon ancêtre ayant vécu le moins longtemps.




Son histoire se passe dans le village de Corbenay, au nord de la Haute-Saône. Pierre François COZERET (puisque c'est de lui qu'il s'agit) nait le 3 septembre 1828 au village. Son père François a 38 ans; sa mère Marie Thérèse FAIVRE a 10 ans de moins. Ils sont mariés depuis 5 ans, et ont déjà eu 3 enfants avant Pierre François. Ils en auront encore 4, ce qui fait un total de 8 enfants.


Pierre François grandit. Et, bizarrement, il se marie tôt. En 1848, il s'unit avec Marie Appoline DEVOILLE. Il a 20 ans seulement, et elle n'a que 18 ans! C'est d'autant plus étonnant que son frère aîné ne se mariera qu'en 1852, à l'âge de 27 ans, et que leur père avait 33 ans à son mariage!


Pierre François se marie donc en 1848. Son père l'assiste, mais sa mère est morte l'année précédente. De son côté, la mariée, qui n'est pas majeure, est assistée par ses 2 parents. Mais pourquoi un mariage si jeune? Une réponse s'impose: la jeune mariée accouche en mai 1849 d'une petite fille. Or, le mariage a eu lieu en décembre 1848... La jeune mariée avait donc quelques rondeurs lorsqu'elle a dit "oui" à Pierre François devant le maire!


C'est ainsi que le 1er mai 1849, Pierre François COZERET, cultivateur de son état et tout jeune marié âgé de 20 ans, déclare la naissance de sa fille Marie Célestine Elise COZERET. On peut s'attendre à ce que la petite ait bientôt de nombreux frères et soeurs, vu la jeunesse des parents. Et bien non, elle restera fille unique; son père meurt le 16 novembre 1852: il avait 24 ans, 2 mois et 13 jours...



Il laisse derrière lui une veuve de 22 ans seulement, avec une gamine de 3 ans sur les bras. Bien sûr, elle se remariera, ne serait-ce que pour subvenir aux besoins de sa fille. Un an et demi plus tard, elle épouse un homme venant de Besançon. Sa fille aura donc un beau-père. Et heureusement, car sa mère décedera en 1866, à 35 ans seulement. Ce qui fait que la petite se retrouve orpheline à 17 ans. Mais c'est une autre histoire.


Bref. Si ces deux jeunes villageois n'avaient pas "exprimer leur amour", imaginons, dans une botte de foin, par un beau jour de 1848, ils ne se seraient sans doute jamais mariés. Ou pas si tôt en tout cas. Et Pierre François serait mort sans avoir eu le temps de fonder une famille. Comme quoi, la généalogie ne tient pas à grand chose: sans cette rencontre d'une heure, toute une branche de ma famille n'aurait jamais vu le jour! Alors, imaginons s'il avait plu ce jour d'août 1848...


Couchés dans le foin


Joyeux Noël à tous!


mardi 14 décembre 2010

Différence d'instruction en France

Signature de Jean Nicolas Dupoirieux,
Instituteur (1755-1815)

Il y a quelques semaines, Mistike publiait sur son blog un article intitulé "Instruction en Queyras". On y apprenait que dans cette région des Hautes-Alpes, presque toute la population savait lire et écrire, alors que dans le reste du royaume, seuls les plus aisés avait eu accès à ces bases de l'instruction.
Ce n'était pas toujours le cas. Dans certaines régions françaises, on peut observer une alphabétisation précoce de la population, alors qu'ailleurs c'est le contraire. Et ainsi, en généralisant, on se rend compte, à travers les recherches généalogiques, que la moitié nord du pays était beaucoup plus alphabétisée que la moitié sud.

Comment s'en rendre compte? Par exemple, en repérant, lors des mariages, si les époux signent. Bien souvent, seul l'époux signe, la future "déclarant ne savoir signer, faute d'instruction". Pour cette étude, j'ai pris 3 communes: Gonneville, dans la Manche (nord du royaume de France), Saint-Maigner, dans le Puy-de-Dôme (moitié sud du royaume), et Uzemain, dans les Vosges (Duché de Lorraine jusqu'en 1766).
J'ai porté l'étude sur 4 périodes différentes, pour constater l'évolution de l'alphabétisation: 1700, 1750, 1800, 1850. Les études se portent sur 5 ans, pour avoir assez de matière à travailler (une quarantaine de mariage à chaque fois).

Voici les résultats: en bleu, le pourcentage d'hommes ayant pu signer à leur mariage. En rose, le pourcentage de femmes.



Première constatation: on remarque que les femmes sont loin derrière les hommes! Mais on pouvait s'attendre à cela.
Ensuite, on remarque effectivement une forte différence entre le nord et le sud: alors qu'une majorité d'hommes savait signer dans le nord dès 1700, il faudra attendre 1850 pour atteindre le même niveau dans le sud! Mais il existe aussi des disparité dans le nord: ainsi, la Lorraine dépasse fortement la Manche. Mais cet écart tend à disparaitre à partir du XIXème siècle.
Enfin, à partir du début du XIXème siècle, on assiste à une progression de l'alphabétisation partout en France: ainsi, en 1850, tout le monde savait signer à Uzemain. Les écoles de la IIIème République (à partir des années 1880) ont donc accentué ce mouvement d'alphabétisation généralisé.

Bien sûr, on ne peut pas généraliser pour seulement 3 villages. Mais ça donne une idée de ce qu'était l'alphabétisation en France aux XVIIIème et XIXème siècle.
Pour terminer, voici les graphiques montrant l'évolution dans le temps.
En jaune: Uzemain
En bleu: Gonneville
En rouge: Saint-Maigner.

Pourcentage d'hommes sachant signer



Pourcentage de femmes sachant signer



jeudi 2 décembre 2010

Recensements des Vosges

Une bonne nouvelle dans le monde de la généalogie en ligne: les Archives Départementales des Vosges proposent désormais les recensements numérisés pour toutes les communes vosgiennes, de 1886 à 1906. Avec un accès suivant la rue pour la grande ville qu'est Epinal.
Le tout est disponible ici.
C'est ainsi que je suis parti à la recherche de mon arrière-grand-père, Gabriel Louis POIROT, né en septembre 1901 à Epinal.

Et voici sa famille, vivant en 1901 dans le quartier ouvrier du Champ du Pin, au sud de la ville. On y trouve son père, Louis, 39 ans, qui travaille à l'usine textile Boeringer, à quelques rues de là. D'ailleurs, il habite dans une résidence ouvrière qui appartient aux Boeringer. Avec lui, on retrouve sa femme, Amélie, 38 ans et enceinte de mon arrière-grand-père, et les 7 enfants encore vivants du couple, qui ont entre 1 et 13 ans. Avec la famille, vivent 2 neveux de Louis, qui ont la vingtaine et qui travaille avec Louis à l'usine. A noter que la "petite" famille partage la maison avec un jeune couple d'Allemands qui viennent juste d'avoir un bébé.
Au total, cela fait 14 habitants, dont 4 bébés (de moins de 5 ans) au n°3 de la Route de Remiremont!
Si le nom des rues n'a pas changé, voici cette maison aujourd'hui...