mardi 22 juin 2010

Prisonniers de père en fils (1/2)

Pierre Augustin Vayer est mon N° Sosa 86. Je ne l'ai découvert que très récemment. Avec sans doute la vie banale d'un petit paysan de la Mayenne du XIXème siècle. C'est ce que je pensais de lui avant de mieux le connaître...

Pierre est né un beau jour de septembre 1821, à Oisseau, un gros bourg de 3.000 habitants, tout près de Mayenne. Son père, Marin, a déjà la quarantaine. Orphelin à 6 ans, Marin est originaire d'un village voisin. Il est venu s'installer, sous l'Empire, à Oisseau, pour y épouser Mlle. Renée Chevallier, une jeune fille de 10 ans sa cadette. Pierre pointe le bout de son nez dans une famille déjà bien installée, 7ème enfant d'une fratrie de 11. Certes, il est le 7ème, mais à sa naissance, il ne fait la connaissance que de 2 de ses grandes soeurs, les autres étant décédés en bas âge.

Pierre grandit. Bien sûr, il ne va pas à l'école. Comme toute sa famille, et comme la grande majorité du village, il travaille dans le tissu. Tisserands, dévideurs, calicotiers... de nombreux métiers aujourd'hui oublié qui constituent pourtant l'ensemble de son environnement.
Pierre est maintenant un homme de 28 ans. Sa mère est morte alors qu'il n'avait que 15 ans. Son père, déjà âgé, s'occupe de ses frères cadets tout en continuant à travailler dans le tissu. C'est dans ce contexte que Pierre se marie le 18 avril 1850 avec une jeune fille de 25 ans, Thérèse Marteau. A Paris, Louis Napoléon Bonaparte est le nouveau Président de la Seconde République.
Après son mariage, Pierre quitte son père pour s'installer chez sa nouvelle femme. Car Thérèse n'a pas non plus une vie très facile. Fille naturelle, elle est née en 1825. Depuis, elle vit chez sa mère célibataire, avec son petit frère, lui aussi sans père. Evidemment, elle aussi travaille dans le tissage.

Pierre s'installe donc chez sa belle-mère. Les années passent. Les naissances, aussi. Que des filles! Le pauvre Pierre devient le père 5 fillettes, dont une meurt en bas-âge. Entre temps, sa belle-mère est morte, et son beau-frère est parti. C'est maintenant une petit famille de 6 bouches que Pierre doit nourrir. Nous sommes sous le Second Empire, et pendant que l'Empereur ordonne la construction d'un nouvel Opéra à Paris, Pierre, sa femme et leurs 4 fillettes meurent de faim. Ils sont déclarés "Indigents", et sont aidés par l'Assistance Publique.

Et pourtant, Pierre continue de procréer! En 1864, il donne enfin vie à un petit gars!... qui meure aussitôt après sa naissance. Suivent encore 2 enfants, dont un petit garçon faible, Eugène Constant.

1870. En plein été, l'Empire français déclare la guerre à la Prusse. En moins d'un mois, la situation devient catastrophique. Thérèse, âgée de 45 ans seulement, usée par 8 grossesses et par la pauvreté, meurt quelques jours seulement avant la capitulation de Sedan. La République est proclamée. Pendant ce temps, dans la campagne mayennaise, Pierre, quinquagénaire, se retrouve seul avec 6 enfants sur les bras.


Paysan typique de l'Ouest


Mais Pierre ne se laisse pas aller. Quelques mois plus tard, il se marie avec Pauline Vaugeois, une jeunette de 29 ans. Elle est alors pensionnaire chez un charpentier, son père étant trop pauvre pour s'occuper de tous ses enfants. Aussitôt après, les naissances reprennent... Toujours des filles! En 1875, un nouveau petit garçon nait! Pierre se réjouit, et espère sans doute qu'il sera en meilleure santé que son seul garçon resté en vie. Il le nomme Jules Constant.

1877. Le petit Jules, 2 ans, meurt. Pierre en est très triste. Quelques semaines après l'enterrement, emporté, il insulte des gendarmes, et fait acte de rebellion. Aussitôt jugé, il est condamné à 12 jours de prison pour outrages à agent et rebellion. Pierre est alors le type même du paysan du Maine: grand chapeau noir, blouse bleue sur chemise blanche, et paire de sabots. Le tout, en mauvais état bien sûr. Pierre est incarcéré à la Prison de la ville de Mayenne, un ancien chateau. Il sort 12 jours après son arrestation.




La prison de Mayenne

Après ce passage en prison, Pierre se calmera. 2 nouvelles petits filles viendront encore aggrandir la famille, jusqu'en 1880. Puis, Pierre se contentera d'élever cette nombreuse descendance. Au total, il aura 13 enfants, et seulement 3 garçons. 8 filles survivront, et un seul garçon, Eugène Constant.

Pierre s'éteint à 16 ans plus tard, à l'aube du XXème siècle, à l'âge de 74 ans. Une longue vie surtout remplie par la misère, pour cet enfant illettré, né sous le règne de Louis XVIII...

Après sa mort, sa veuve ira vivre chez son cousin, chansonnier, avec ses filles restées avec elle. Elle est décédée des années plus tard...

A suivre... La vie encore plus mouvementée du seul fils de Pierre, Eugène.

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